06 Dec

Vagues scélérates

Publié par Atherton  - Catégories :  #Atherton

Autrefois ravalées
 au rang de mythe marin,

les vagues océaniques colossales
 qui peuvent atteindre la hauteur
 d’un immeuble
de dix étages
ont été reconnues comme l’une
 des principales causes
 des naufrages de gros navires.
 Les résultats fournis par
le satellite ERS de l’ESA
 ont contribué à établir sans conteste
l’existence courante de
ces vagues
‘scélérates’ et servent
maintenant à étudier leur origine.

Les très gros temps ont fait couler
plus de 200 pétroliers géants
 et porte-conteneurs
 de plus de 200 m de long
ces vingt dernières années.
 On considère que les vagues scélérates
 en sont la plupart du temps responsables.

 


Les marins qui ont survécu à pareilles rencontres ne manquent pas d’histoires étonnantes à raconter. En février 1995, le paquebot de croisière Queen Elizabeth II a trouvé sur son chemin une vague scélérate de 29 mètres de haut au cours d’un ouragan dans l’Atlantique Nord que le Capitaine Ronald Warwick a décrite comme « un immense mur d’eau…on aurait dit que nous foncions tout droit dans les ‘falaises blanches de Douvres’ ».

Au cours de la dernière semaine de février 2004, deux bateaux de croisière solides – le Bremen et le Caledonian Star – ont vu les vitres de leurs ponts voler en éclats sous l’effet de vagues scélérates de 30 mètres dans l’Atlantique sud, le premier bateau s’étant retrouvé à la dérive pendant deux heures en raison de la perte de son système de navigation et de propulsion.

                                                                     
    
« Ces incidents se sont produits à moins de mille kilomètres de distance l’un de l’autre » précise Wolfgang Rosenthal – responsable de recherche au centre de recherches GKSS Forschungszentrum GmbH de Geesthacht en Allemagne – qui étudie les vagues scélérates depuis des années. « Toute l’électronique a sauté à bord du Bremen parce qu’il se trouvait parallèle aux vagues et jusqu’à ce que les circuits soient rétablis, l’équipage pensait que sa dernière heure était arrivée».

« Le même phénomène aurait pu couler nombre de bateaux moins chanceux : deux gros navires en moyenne coulent toutes les semaines mais la cause n’en est jamais étudiée avec autant de minutie que ce qu’ont fait en cas de catastrophe aérienne. En général on se contente de mettre ça sur le compte du ‘mauvais temps’ ».

Les plateformes offshore ont-elles aussi été touches : le 1er janvier 1995, le forage pétrolier de Draupner en Mer du Nord a été frappé par une vague dont la hauteur a été mesurée à 26 mètres par un dispositif laser embarqué, les vagues voisines le plus haut autour atteignant 12 mètres.
                                                                               

    
Les données radar objectives recueillies sur cette plateforme et sur d’autres – des relevés radar sur les champs pétrolier de Goma en Mer du Nord ont enregistré 466 vagues scélérates en 12 ans – ont définitivement converti les scientifiques, jusque là sceptiques. En effet, sur la base de statistiques, ils considéraient que de telles aberrations par rapport à l’état de la mer avoisinante ne pouvaient se produire que tous les 10 000 ans.

Le fait que les vagues colossales se produisent relativement fréquemment a des conséquences lourdes pour la sécurité et pour l’économie puisque navires et plates-formes actuelles sont conçus pour résister à des vagues de 15 mètres au maximum.

En décembre 2000, l’Union européenne a lancé un projet intitulé ‘MaxWave’ pour confirmer la réalité et le grand nombre de vagues colossales, modéliser leur formation et examiner ce qu’elles impliquent pour la conception et la construction des navires et structures offshore. Dans le cadre de MaxWave, les données du radar satellite ERS de l’ESA ont été utilisées pour faire un premier recensement mondial des vagues scélérates.

    
« Sans la couverture aérienne des capteurs radar, il aurait été impossible de découvrir quoi que ce soit » précise Rosenthal, qui a dirigé le projet MaxWave pendant trois ans. « Tout ce dont nous disposions c’étaient des enregistrements radar collectés sur les plateformes pétrolières. Il était donc intéressant pour nous d’utiliser les données ERS dès le début ».

Les satellites jumeaux de l’ESA ERS-1 et 2 – lancés respectivement en juillet 1991 et avril 1995 – ont tous les deux un radar à ouverture synthétique (ROS) comme instrumentation principale. Lorsqu’il passe au-dessus de l’océan, ce radar prend des images des vagues tous les 200 kms. Ces petites images qui représentent un rectangle de 10km par 5km, sont alors mathématiquement transformées en répartitions moyennes de l’énergie et de la direction des vagues. Ces spectres, c’est le nom de ces répartitions, sont mis à disposition par l’ESA, ils sont ensuite utilisés par les centres de prévision météorologique afin d’améliorer la précision des modèles de prévision marine.

« Les images brutes ne sont pas communiquées mais avec leur résolution de dix mètres nous pensons qu’elles contiennent une mine d’informations précieuses » ajoute Rosenthal. « Les spectres de vagues océaniques fournissent des donnée moyennes sur l’état de la mer, mais les images décrivent les hauteurs de vagues individuelles y compris les extrêmes qui nous intéressent.

    
« L’ESA nous a communiqué des données sur trois semaines – quelques 30 000 images distinctes – choisies au moment où le Bremen et le Caledonian Star ont été touchés. Les images ont été traitées et une recherche automatique a été effectuée pour repérer les vagues colossales au Centre aérospatial allemand (DLR) ».

Malgré la période relativement courte couverte par les données, l’équipe MaxWave a identifié plus de dix vagues géantes de plus de 25 mètres de haut dans le monde.

« Maintenant que l’existence des ces vagues monstrueuses en nombre bien supérieur à ce que quiconque imaginait jusque là, a été prouvée, il faut voir s’il est possible de les prévoir » poursuit Rosenthal. « MaxWave s’est officiellement terminé à la fin de l’année dernière même si deux séries de travaux issus du projet continuent – l’une étant d’améliorer la conception des navires en comprenant mieux les causes des naufrages et l’autre étant d’étudier plus avant des données satellitaires pour, si possible, faire des prévisions ».
    
Un nouveau projet de recherche, du nom de WaveAtlas, va utiliser deux ans d’images d’ERS pour dresser un atlas mondial des vagues scélérates répertoriées et effectuer des analyses statistiques. Le Directeur du projet est Susanne Lehner, Professeur associé de la Division de physique marine appliquée de l’Université de Miami qui a également travaillé sur le projet MaxWave lorsqu’elle était à la DLR, avec Rosenthal, comme chercheur associé.

« Regarder les images, c’est un peu finalement comme voler, parce qu’on peut suivre l’état de la mer le long de la visée du satellite » explique Susanne Lehner. « D’autres éléments comme les glaces flottantes, les nappes de pétrole accidentelles ou les navires apparaissent également, il est donc intéressant de les utiliser à d’autres fins d’étude ».

« Seules les données satellitaires peuvent fournir les échantillonnages de données mondiales nécessaires à une analyse statistique des océans, parce qu’elles peuvent être prises à travers les nuages et malgré l’obscurité, ce qui n’est pas possible avec les capteurs optiques. Lors de tempêtes, les images satellitaires sont donc les seules images dont on dispose».
Commenter cet article

Archives

À propos

L'art en général, peintures et photographies en particulier, un sujet de choix: la femme, sensuelle et secrète, les ambiances feutrées, chaque article pointe vers son auteur original